Sois une battante


         Chère Camille,

Nous voici en 2016, une nouvelle année, une sorte de page qui se tourne ou comme tu aimes le dire du temps où tout peut changer, être bouleversé, évoluer, du temps pour se renouveler et devenir ce qu’on veut être. 2015 a été une année bizarre, double, ni bonne ni mauvaise, mais tu n’en ressors pas tranquille. Cette année tu as vécu plusieurs annonces difficiles et tu as eu peur pour plusieurs de tes proches à différents moments. Tu as dû vivre le premier décès d’une personne proche, et je crois que cela t’a affecté bien plus que ce que tu ne le pensais. D’abord parce qu’il s’agissait d’un concours de circonstances, tout s’accumulait et tout a été intensifié, mais aussi parce que tu t’es rendue compte qu’il te restait sans doute plein de choses à partager avec cette personne. Cette année tu as aussi vécu la moitié de ta prépa. Ces deux années d’études sont la période la plus intense que tu n’as jamais connue. Il y a un an exactement tu concluais que tu étais heureuse de les faire, que tu ne t’étais pas trompée et que ta place était là. Maintenant tu ne sais plus trop, et j’imagine que tu ne pourras savoir que l’an prochain. La confiance ressentie les cinq premiers mois s’est échappée au profit d’un trou sans fond duquel tu n’arrives plus à ressortir. Tu pensais être faite pour travailler, pour faire ce qu’on te demande à l’école et tu pensais même être douée pour ça, parce que cet acharnement au travail scolaire t’a toujours animée : tu étais une bosseuse, excellente à l’école, qui réussit ce qu’elle entreprend même si elle ne sait pas toujours comment elle fait, même si souvent elle pense que c’est du pur hasard. Maintenant tu n’arrives plus à bosser efficacement, tes notes baissent, et tu perds ta maîtrise. Tout ton corps semble lourd, sans vie, sans volonté. Tu tournes à vide. Et tu as l’impression que ton monde s’écroule, parce que si tu perds cette capacité, tu crois que tu perds tout. Parce que tu ne te penses capable de rien, que ce que tu as toujours bien réalisé et achevé c’est ce travail scolaire. Si tu ne peux plus faire ça, tu n’es rien. Oui, ces derniers mois ont été bien trop difficiles. Tu as pensé arrêter la prépa, d’abord pour t’épanouir dans autre chose que des dissertations et savoir que tu peux réussir autre part, puis parce que tu ne te sentais plus capable d’assurer, de tenir. Je crois en fait que le fait de ne pas savoir où tu seras l'année prochaine te terrifie et te paralyse. Un million de chemins s’ouvrent devant toi alors que tu n’as jamais eu de choix à faire. Tu dois réussir quelque chose à l’issue de cette année, tu dois être capable de t’engager dans une voie sans avoir le sentiment que c’est par défaut et pourtant, tu te sens vide, épuisée, incapable de te relever, de retrouver tes capacités. Tu es terrifiée à l’idée de ne pas te relever et de gâcher ton année comme tu as gâché le premier semestre. 
J’ai envie de te crier que ce n’est qu’un passage. Même si tu as l’impression de t’enliser depuis mai, tu ne peux pas toujours plafonner en ligne droite. Accepte cet échec et essaye d’avancer. C’est d’une volonté énorme dont tu dois faire preuve, ce sont des décisions difficiles que tu vas prendre mais tu es obligée d’enchaîner les chemins de vie de toute manière, et tu pourras toujours bifurquer à un moment. Essaye juste. Crois un peu en toi Camille. Cette année a été bizarre parce que ta confiance en toi s’est à la fois épanouie et brisée. Tu as grandi, sois en sûre. Si tu ne sais toujours pas ce que tu peux faire de tes mains, tu t’affirmes peu à peu. Tu deviens une personne assurée, ouverte, qui ose affirmer ses goûts, ses manières et ses idées alors qu’il y a un an tu étais encore crispée avec toi-même, incapable de te dévoiler aux autres. Je regarde les deux fêtes de nouvel an que tu as passé parmi des personnes inconnues grâce à tes amis de prépa et je vois si bien l’écart de tes réactions avec eux : timide la première fois, communicative la deuxième. Cela me fait sourire et me signifie que, malgré tout, il y a eu une progression. Tu t’es réconciliée avec toi-même, au moins un peu. Le reflet de ton visage dans le miroir ne te fait plus grimacer, tu te trouves même jolie la plupart du temps, et cela peut sembler insignifiant pour certains mais pour toi c’est énorme. J’ai envie que 2016 soit l’année où tu changeras ton rapport avec ton corps cette fois. La prépa l’a modifiée comme jamais et tu le détestes plus que tout. Apprends à manger sans compter les calories, à apprécier ce que tu manges en reprenant un rythme sain et à ne plus noyer ton angoisse dans la nourriture. Remets-toi à nager pour évacuer ton stress et, oui, pour modifier ces formes qui te rendent malade. Mais à côté, je veux que tu comprennes que tu dois prendre ton temps, que tu peux avoir des ratés, que tu ne dois pas maltraiter ton corps ou te sentir mal avec lui. Apprends aussi à l’aimer, à le choyer. Cette année a été difficile, mais tu as vécu aussi plein de choses incroyables. Alors même si tu te sens submergée, je veux que tu te concentres là-dessus : les encouragements des professeurs qui t’ont fait comprendre que tu pouvais y arriver, que tu étais une fille aux capacités réelles ; le soutien perpétuel de tes amies ainsi que les rencontres avec des personnes dans la prépa qui t’aident tous les jours et que tu aimes vraiment fort ; ta famille qui t’a montré son soutien dans ces passes difficiles, même si elle est parfois la cause de crises trop nombreuses ; les découvertes littéraires et toute la culture que la prépa t'a apporté ; ces quatre voyages que tu as fait et l’enrichissement énorme qu’ils ont permis ; les premiers selfies que tu as osé prendre, représentatifs de cet énorme pas dans ta confiance ; le sentiment incroyable de sentir que tu es animée par quelque chose, par des idées, par une connaissance, par une confiance qui vient autant de ton apparence que de tes goûts affirmés. 
En septembre, une amie t'a dit que cette confiance nouvelle te changeait, te rendait plus belle. Tu te rappelles comme tu as attendu ce moment ? Tu sais, ce moment où tu serais belle et brillante parce que tu aurais ta confiance comme une armure, qui te permettrait de rayonner comme il se doit. Tu es une fille normale, tu as des ratés mais tu te reconstruis doucement. Il reste un chemin énorme à parcourir, mais cette année a quand même marqué un tournant. Essaye d'être fière de toi Camille. Avance. Avance je t'en prie, parce que sinon tu vas couler et tu ne peux pas continuer comme ça. Accroche-toi de toutes tes forces, serre les dents et commence à donner des coups dans ce mur immense et solide que tu crois voir face à toi. Sois une battante et tape de plus en plus fort, jusqu'à le détruire. Tu crois que tu es bloquée, tu suffoques mais saisis-toi de ce que tu es pour abattre ces barrières qui t'empêchent d'avancer. 2016 sera une année de bouleversements, parce que tu vas forcément te retrouver dans une autre filière d'études, parce que tu vas rencontrer de nouvelles personnes, parce que tu vas te retrouver avec de multiples possibilités dont tu vas pouvoir profiter. Fais que 2016 soit une année de bouleversements positifs, de confiance encore plus grande et de  belles réalisations, même minimes. Respire et arme-toi. Sois une battante. 

2 commentaires

  1. Waaw, quelle introspection !!
    Je crois qu'il n'y a pas vraiment de conseils à te donner, je lis que tu as déjà trouvé toutes les solutions à tes différents problèmes et que tu n'as plus qu'à les appliquer, même si c'est loin d'être simple.
    Quant à la frayeur voire l'oppression que tu ressens en pensant à la filière que tu choisiras après la fin de ta prépa, n'oublie pas une chose, essentielle : tu ne peux pas te tromper. Je veux dire par là que si le choix que tu fais ne te convient pas, tu auras toujours moyen de changer de voie, en cours d'année ou l'année suivante, et l'expérience que t'aura apportée la voie "qui ne te convenait pas tant que ça" te servira dans la vie, d'une façon ou d'une autre.
    Alors oui, fais toi confiance, aime toi. Remets toi à la natation, pour ton esprit autant que pour ton corps, si tu en ressens le besoin. Finis cette prépa pour te prouver, major de promo ou pas, que tu peux réussir ce que tu entreprends. Mais ne t'enferme pas dans le travail, comme tu t'en rends compte ça te détruit autant que ça te rend forte.
    Et continue de t'ouvrir aux autres comme tu le fais d'après les changements que tu notes, ça aussi c'est important. Fais des nouvelles rencontres, et profite de tes proches pour ne rien regretter, pour ne pas ensuite te dire que tu as loupé des choses.
    Enfin, n'hésite pas à écrire autant que nécessaire de cette façon introspective qui te permet de coucher noir sur blanc des sentiments, des mots, des maux, tout ce qui te permet de ne pas garder pour toi le bon et surtout le mauvais.

    Je te souhaite une merveilleuse année Camille, je suis sûre que 2016 t'apportera de bonnes choses, même si le travail, les remises en question, les changements effrayants, l'orientation et bien d'autres moments peuvent aussi être délicats à passer. Chaque cap nous fait grandir ;)

    Des bisous <3

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  2. Alors alors déjà bonne année :)
    J'ai beaucoup aimé cet article, ça a du te faire un peu de bien de l'écrire (j'imagine, ou enfin j'espère pour toi) parce que je sais que moi ça me fait du bien de mettre les choses à plat comme ça.
    En tout cas je te souhaite plein de courage pour tout, pour l'année 2016. J'espère que tu réussiras à trouver ce qui te vas, ce qui t'épanouie et que tu pourras enfin souffler un peu !
    plein de bisous
    Louisa

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